C'était à la fois simple et très profond
En 1975, j'ai participé à un camp d'été de l'Arche où Shantidas donnait lui-même les causeries. Malgré des formes extérieures qui ne m'attiraient pas trop (costumes, grégorien...), j'ai été fortement interpellée par l'encouragement à la vie simple, par la lecture des Approches de la vie intérieure, et par la cohérence de vie : un quotidien où action, prière et travail se vivent sans séparation.
J'étais alors enseignante en primaire depuis une dizaine d'années, ce qui me plaisait beaucoup, d'autant que je participais au mouvement Freynet et que j'étais membre des enseignants chrétiens. C'était aussi l'époque de la lutte du Larzac, et je trouvais ces actions non-violentes très évangéliques. J'ai rejoint la communauté à la Borie-Noble en 1976.
Ce dont je me souviens de Shantidas : à la fois un homme impressionnant et un grand-père. Un homme d'une carrure intellectuelle et spirituelle importante, même s'il avait aussi ses travers comme tout le monde... Je ne l'ai jamais mis sur un piédestal, mais j'avais un grand respect pour lui.
Quand je suis arrivée à l'Arche, c'était l'époque où certains refusaient l'entrée dans la communauté de personnes divorcées. Shantidas s'était positionné en les soutenant, faisant remarquer que l'Église se contentait de marier les couples, puis de les rejeter s'ils se séparaient, sans prendre aucun moyen pour les accompagner. Cette attitude de sa part m'a tout à fait rassurée sur sa largeur d'esprit : il n'était pas le traditionaliste que je craignais. C'est vrai que dans la vie de tous les jours il était parfois un peu distant, mais je fréquentais la Caille et Maïté qui parlaient de "Shantibaba", de son goût pour le café et le chocolat, de ses petits travers et cela me le rendait très sympathique ! Les petits déjeuners avec lui étaient très agréables, ses récits de retour de voyage aussi.
Son épouse Chanterelle était très spontanée et méridionale. Elle nous appelait "les petites", malgré nos trente ans ! C'était une femme qui allait droit au but et n'avait pas la langue de bois. Elle était très attentive à Shantidas, tout en rouspétant parfois après lui ; et lui se laissait faire ! J'ai des bons souvenirs de les avoir vu vivre ensemble. Je me souviens qu'il disait parfois : "Quand nous serons vieux, nous y penserons..." Il avait près de 75 ans !
Comme j'habitais la tour, j'entendais le matin Shantidas prendre sa douche froide avec de grands bruits, et j'en étais pétrifiée : l'eau était tellement glaciale l'hiver !
C'était un grand homme, mais accessible par certains côtés. J'aimais beaucoup ses conférences ; c'était à la fois simple et très profond.